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An mwa, An kont.

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Edmond le filao

C’était la veille de Noël. Pâtés, boudin créole et pois d’angole, abondaient sur la table de la salle à manger. Un bel arbre de Noël animait le salon de ses vives lumières. Des guirlandes multicolores pigmentaient chacune de ses branches telles de joyeuses étoiles tombées du ciel.

Dans le jardin à quelques mètres à peine de la maison se dressait Edmond le filao. Cela faisait des années qu’Edmond assistait à la même scène. Depuis le jardin, il pouvait contempler le magnifique sapin qu’avait pris soin de décorer les enfants. Il voyait se refléter sur les vitres les lumières clignotantes et il appréciait les décorations agrippées ça-et-là à ses branches. Edmond le filao soupirait en se disant que ses branches bien frêles ne pourraient supporter le poids des angelots, des énormes boules de noël ou des petites cannes en sucre.

En cette veille de Noël, Edmond était bien triste. Pas de rires, pas de cantiques, et pas de cadeaux autour du filao. La famille et leurs amis étaient passés devant Edmond sans lui prêter la moindre attention. Ils s’étaient tous exaltés à la vue du sapin mais point de compliments pour notre Edmond. Le filao savait qu’il ne pouvait rien n’y faire. « An bol toloman, pa an bol chocolat première communion » se disait-il souvent.

Dans la fraîcheur de la nuit, alors que la pluie parsemait ses maigres branches de fines gouttes d’eau, Edmond soupira. Le filao savait que jamais il n’aurait la chance d’être aussi beau et aussi populaire que le sapin qui trônait dans le salon. Jamais Edmond ne ferait la joie des petits et des grands. Edmond secoua ses branches et se résigna à passer une nouvelle nuit de Noël, seul sous la pluie, dans le jardin baigné par la douce lumière de la lune.

 

C’est alors qu’Edmond entendit un drôle de bruit. Entre ses branches, il y eut d’abord un cric, puis un crac, ensuite un yé-cric, suivi d’un yé-crac. Edmond se demanda affolé ce qui se passait. Serait-il attaqué à cette heure par des poux-bois ? Il ne manquerait plus que ça ! Il ne resterait plus rien de lui d’ici l’Épiphanie, se dit-il. Soudain les cloches de l’église du bourg se mirent à sonner. Minuit serait bientôt là et Noël aussi. Les habitants de la maison se précipitèrent dans le jardin. Ils plantèrent des feux d’artifice dans le sol. Quelques secondes plus tard, ceux-ci partirent comme des fusées, explosèrent en plein vol créant d’extraordinaires jeux de lumière dans le ciel. Tous admirèrent le spectacle.

Des petits points brillants se mirent à étinceler entre les branches de notre Edmond au moment où les cloches commencèrent à retentir. Quand les douze coups furent donnés, Edmond fut tout illuminé. Le filao était tout émerveillé. Des dizaines de bêtes à feu étaient venues se poser sur les branches d’Edmond. Et d’un coup, elles s’étaient mises à briller. Les habitants de la maison avaient été surpris brusquement de voir le filao tout étincelant. Jamais Edmond n’avait été aussi beau. Ils s’étaient approchés de lui tout doucement. Par quel miracle ce petit arbre pouvait-il briller ? Point de branchement électrique ou de système solaire pour notre pauvre Edmond et pourtant… 

Après s’être posé mille questions, tous finirent par rester là, au dehors, devant ce spectacle magique. Les enfants s’amusèrent autour d’Edmond, les grands se mirent à fredonner des cantiques. Jamais Edmond ne fut plus heureux qu’en cette nuit de Noël. La pluie d’abord légère finit par faire rentrer tout le monde en s’abattant sur la maison. Mais cela n’empêcha pas Edmond de continuer à briller alors qu’à l’intérieur, on avait tout débranché. Le beau sapin cessa pour la nuit d’illuminer la maisonnée.

Après les fêtes, le sapin disparut du salon. On lui ôta toutes ses décorations, puis il fut déboité puis rangé dans un carton que l’on relégua au fond d’une vieille armoire. Ce ne fut pas le cas d’Edmond, bien planté dans un coin du jardin. Tous les soirs après Noël, Edmond continua à briller. Puis les insectes prirent leur envol emportant avec eux ces jolies lumières de Noël. Mais Edmond le filao ne fut pas triste. Il avait lui aussi vu ses branches s’éclairer de mille feux, et sentit la joie autour de lui.  Noël prochain, sans doute, Edmond le filao brillera de nouveau.

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